1914 L’avant-guerre

1914 L’avant-guerre

Maurice Barrès

Que s’est-il donc passé ? Comment le sel en est-il venu à s’affadir à ce point ? Qu’on se rappelle le merveilleux printemps spirituel qui éclatait de toutes parts à la veille de la guerre : alors l’Eglise réapparaissait soudain dans sa gloire d’aïeule vénérable, d’auguste gardienne des antiques secrets du vivre et du mourir, et le monde étonné de l’avoir trop longtemps délaissée se tournait vers Elle. Claudel, le Cyclope subjugué par l’Enfant-Roi de Bethléem, recréait les premiers âges du monde dans sa grotte marine. Péguy, le pèlerin de Chartres, voyait l’Univers comme une paroisse de son Orléanais dans le giron de Dieu ; Jammes, l’Oegipan baptisé par saint François au bord du Gave béarnais, conviait toute la création à louer le Pain et le Vin changés au Corps et au Sang de Dieu ; Psichari, le centurion des déserts de l’Adrar, découvrait dans l’Armée l’image d’une soumission plus haute ; Augustin Cochin, le jeune chartiste doucement obstiné, démasquait le muffle de la Bête apocalytique « pleine  de paroles » sous les sept voiles du messianisme démocratique ; et sur le parvis des Gentils, ceux qu’on appelait en ce temps-là les apologistes du dehors renforçaient le chœur de ces croyants ; un Maurras saluait dans l’Eglise le temple des définitions du devoir ; un Barrès la défendait de toute son âme contre les vétérinaires et les épiciers républicains qui voulaient laisse tomber en ruines ses sanctuaires et, haussant le débat au-dessus de l’hypocrite jurisprudence où un Briand voulait le confiner, il montrait dans l’Hostie élevée par la main du prêtre «  une arme contre la bassesse, une flamme dont ceux qui la possèdent rendent témoignage qu’elle est leur trésor »

(Extrait de « Le Temps de la colère » de R. Vallery-Radot éditions Bernard Grasset)

CD : Chants de Poilus 1914-1918 chant: Ayez pitié Seigneur de ceux qui ne sont plus

 

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